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La Maison des Amazones

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Résumé

  


Ça vaut son pesant de kouign amann… (Jildaz Legendre)

J'avoue avoir pour cet épisode de la saga une grande préférence. Pendant que Jean-Marc est en train de brûler toute sa collection sauf La chaîne brisée, moi avant de partir sur mon île déserte, je n'ai pris que celui-ci !

C'est qu'en décrivant en parallèle ses deux héroïnes plongées chacune dans une culture étrangère, MZB réussit parfaitement à décrire le choc culturel entre les civilisations terrienne et ténébrane. En collant de près aux rythmes de vie de chacune, les différences nous apparaissent de façon bien plus pertinente que jusqu'à présent : tous les petits détails de vie quotidienne deviennent pour l'une et l'autre les facteurs les plus stressants et les plus difficiles à surmonter.

MZB revient aussi très profondément sur les motivations des Renonçantes. Lors des soirées de réflexion à la Guilde, les idées des plus modérées aux plus extrémistes sur la place de la Guilde dans la société ténébrane sont confrontées. On y découvre un certain nombre de personnages secondaires aux caractères fouillés et complexes, en un mot "vivants".

Et s'il est vrai que du côté des hommes le tableau n'est pas très glorieux (Peter Haldane le mari terrien de Jaelle est un carriériste intrigant pour la place de Coordinateur de Ténébreuse, pétri d'ambitions et d'une grosse pincée de machisme !), chaque personnage est décrit dans sa complexité de sorte qu'aucun n'est une grossière caricature stéréotypée.

En dehors de toutes ses qualités propres, ce tome est aussi très important dans la compréhension de la cohésion du cycle (qui n'est certes pas toujours présente mais qui existe quand même) : on y retrouve les personnages de la Tour Interdite, et on y apprend que Jaelle sera bientôt la mère d'une petite Dorilys qui deviendra plus tard la gardienne renégate d'Arilinn, la mère d'un certain Jeff Kerwin (cf Soleil Sanglant).

Une bonne histoire sabotée (Jean-Marc Suzzoni)

Cette fois, je crois que je vais laisser Jildaz partir avec son volume sur son île déserte. Au besoin, je lui donnerai mon exemplaire de Thendara House, pour faire un presse-livre avec le sien.

Si vous voulez savoir ce que je pense en gros de ce bouquin, je vous conseille de relire la seconde partie ma critique de L'héritage d'Hastur. Tout y est déjà : incohérence dans le caractère des personnages rencontrés dans d'autres volumes du cycle (Jaelle, Peter Haldane surtout) ; homosexualité triomphante ; grossières erreurs dans la description psychologie de certains personnages clefs (Peter Haldane et Cholayna Ares) ou secondaire (les hommes de la cafétéria, les gardes de sécurité de l'enclave). On peut y ajouter que la vie de la Maison de la Guilde de Thendara est à la limite de celle qui doit régner dans certaines de ces sectes qui font, de temps en temps, parler d'elles dans le JT.

Attachons nous comme exemple à la description que MZB fait de Peter Haldane. Si on se base sur La chaîne brisée, Peter Haldane est né (comme Magda Lorne) sur Ténébreuse de parents terriens. Il y a vécu toute son enfance, et cela à Caer Donn (le premier spatioport terrien) qui était plus imbriqué dans la ville ténébrane (lui, Magda et un autre enfant jouaient avec les petits ténébrans). Il est diplomé d'un collège Exoanthropologie de l'Empire terrien et intégré depuis longtemps (sans doute après quelques stages) dans les Services de Renseignements terriens souvent en tant qu'agent immergé. Sa connaissance de Ténébreuse est telle qu'il arrive à tromper (pendant des mois) un seigneur brigand ténébran qui le prend pour un fils de famille Comyn.

Et c'est ce type qui, dans ce nouveau roman, est incapable de comprendre pourquoi Jaelle n'a pas porté son uniforme dans l'enclave terrienne de Thendara et qui l'insulte (cf page 37 et 38 de l'édition Pocket).

Mais c'est d'une nullité psychologique grave… MZB veut nous faire croire que ce personnage n'est qu'un gros beauf plus préoccupé d'une éventuelle promotion que d'autre chose.

Dans la réalité, un agent de renseignement (principalement un agent immergé, une taupe, ou un officier traitant) se doit surtout d'être un psychologue. Peter Haldane aurait du préparer sa compagne (Jaelle) au choc culturel et être en permanence à son écoute (rien que pour son boulot d'officier traitant) et en plus s'il y a un poil d'amour entre eux, il aurait du être encore plus prêt à l'aider. MZB commet ici une grossière erreur.

Et ce que je viens de signaler pour Peter Haldane est vrai aussi pour Cholayna Ares, la chef du Service de Renseignements de Thendara, et pour Magda Lorne. La première semble incapable de comprendre l'importance de Magda en tant qu'agent infiltré ; la seconde est prête à craquer juste après 3 mois de confinement dans la Maison de la Guilde des Amazones et quelques vagues péripéties ou plaisanteries de bizutage… N'importe quoi !

De la même façon, dans La chaîne brisée, nous découvrions une Jaelle très forte psychologiquement, et pourvu d'un laran empathique certain. Elle aurait du se rendre compte avant de vivre avec Haldane que celui-ci était un moins que rien ! Non ?

Quand ensuite dans la remarquable séance de mortification collective (la Soirée de Réflexion) dans la Maison de la Guilde, elle se met à délirer sur les terriens (les hommes évidemment) dont le but est de posséder les femmes (posséder étant prit dans un sens total : corps et surtout âme !), il y a de quoi se demander où MZB à trouver une telle psychologie de bazar… Vivre à côté d'une femme en bonne harmonie est déjà tellement compliqué, comment voulez-vous qu'on trouve le moyen de posséder un être pareil !

Il me semble que ce roman, s'il en nous montre encore plus sur Ténébreuse, vue par l'intérieur de la Maison des Amazones et par la vie de la base terrienne (et ici le travail de MZB, magnifique, aurait suffit au plaisir du lecteur amoureux de cet univers), est gravement handicapée par une vision psychologique des personnages totalement loupée.

Je suis donc, pour ce roman, presque entièrement en désaccord avec Jildaz. La seule chose où nous sommes en accord est la description bien vue des personnages des Amazones : Mères de la Guilde plutôt rassies, mercenaires franches du collier ou néophytes hystériques. Elles sont cohérentes avec l'ensemble de l'œuvre (Il aurait été bizarre et dramatique que MZB loupe cette partie de son roman). A ceci près, pour moi, c'est un des plus mauvais textes, côté psychologie, de la série. Ou alors, il faut le lire complètement déconnecté du reste de la saga, en ne connaissant pas La chaîne brisée.

C'est là en fait l'une des preuves que MZB n'écrivait pas avec une idée de continuité, mais utilisait Ténébreuse comme simple base (background) de ses romans, les personnages changeant de caractère au grè de son propos.

De plus ici il s'agit (sans doute) d'un texte pour un public ciblé. Comme beaucoup de lectrices féministes s'étaient à l'époque (après La chaîne brisée) regroupées en associations et commençaient à écrire des nouvelles basées sur ce thème, pour enrichir l'univers de Ténébreuse (et les faisaient parvenir à la créatrice de cet univers), on peut se demander si MZB n'a pas écrit pour ces femmes, se laissant entraîner par ses problèmes personnels, ses penchants naturels et son parti pris contre les hommes…

Dans ce dernier cas, c'est même ridicule : MZB décrit une bagarre entre Jaelle et deux "grossiers machos" qui auraient fait des remarques grossières à son égard. Mais où MZB a-t-elle vu des types se comporter de telles façons ? Dans des vestiaires de rugby ? Après boire ? Sur un chantier ? D'accord, les mecs, ON n'est pas toujours très galants, mais là, … ?

Bref pour moi, ce roman est raté ; c'est un des rares dont la relecture n'a pas été agréable.



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© Christophe Guilbot |